Depuis des milliers d'années, le peuple chinois a transformé la souffrance en culture. La cuisine chinoise est riche et complexe en saveurs, mais derrière cela se cachent de nombreuses souffrances. Plus il y a de spécialités culinaires dans une région, plus cette région a connu de souffrances. Par exemple, le zhé'ergēn du Guizhou a un goût semblable à celui de l'eau d'aquarium, mais il est devenu un plat incontournable. Cela s'explique par la grande sécheresse durant la dynastie Qing, où le peuple manquait de nourriture, et ils ont fini par s'habituer à ce goût âcre, qui est même devenu une spécialité. Quant à la fondue de Chongqing, c'est essentiellement un plat de survie pour les bateliers, qui récupéraient les abats que les riches ne voulaient pas, masquant le goût avec des piments et des poivres, permettant ainsi de retarder la décomposition et de soulager la faim. Et le luàn dòu de la région nord-est, bien que semblant être un plat fait maison, est en réalité un plat des agriculteurs qui ont migré vers l'est pour défricher, où l'on met tout ce que l'on a à cuire ensemble, un seul pot pouvant nourrir toute la famille pour trois repas par jour. Le hǔ là tāng et le huì miàn de Henan proviennent de la grande famine de 1942, où il fallait se remplir l'estomac de soupe pour survivre, tandis que le guō kuī du Shaanxi est si solide qu'il peut servir de brique, car il peut se conserver pendant trois mois sans se détériorer. Ainsi, la cuisine chinoise est en réalité le reflet des conditions de vie dans une société marquée par la souffrance.